Le Roman médiéval

Le Roman médiéval

Par « roman », le Moyen Âge entend d'abord « mise en roman », translation en langue romane des grandes épopées grecques et latines. Les « romans antiques » ne suivent pas à la lettre leurs modèles, mais les adaptent à l'esprit de leur temps, les abrègent ou les amplifient, les glosent… Autant d'infidélités, à lire comme les signes de la naissance du genre romanesque. Parmi ces œuvres, qui ne découvrent l'Antiquité que pour penser le Moyen Âge, « l'Enéas » brille d'un éclat tout particulier. Par-delà l'Enéide de Virgile, qu'il adapte, ce roman reconnaît, dans la fonction paternelle, le « signifiant-maître » de l'avènement de la féodalité. En s'engageant dans la voie du Père, le roman va ainsi pouvoir contourner les impasses du désir et de la jouissance, inventer l'amour, faire de la femme l'horizon de la littérature. Tel Narcisse, l'Enéas s'attarde à contempler son image dans le miroir qu'il se fabrique ; il double la fiction héritée du modèle d'une théorie du roman subtilement incluse dans le récit. En ce sens, il représente « le roman médiéval », au sens de « premier roman », dont s'inspireront les maîtres à venir du roman courtois. « Fiction théorique », l'Enéas met en perspective les lois de l'écriture médiévale dans le temps où il les transgresse. D'un même mouvement, il excède et interroge les savoirs de la Modernité qui prétendent s'y appliquer. Ainsi vient-il faire image à cette « entropie critique », que le Moyen Âge incarne dans le concert théorique contemporain.

Détails du livre

À propos de l'auteur

Jean-Charles Huchet

Jean-Charles Huchet, professeur de lettres, est chargé de cours au Département de psychanalyse de l'Université de Paris VIII.

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